Expulsion de squatters : procédure en cas d'identification impossible - Commentaire par Béatrice VIAL-PEDROLETTI
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Loyers et Copropriété n° 1, Janvier 2008, comm. 3
Expulsion de squatters : procédure en cas d'identification impossible
Commentaire par Béatrice VIAL-PEDROLETTI
BAIL D'HABITATION
Faute de pouvoir connaître l'identité des occupants, le propriétaire peut obtenir l'expulsion par le biais d'une ordonnance sur requête. Depuis la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable, le recours au juge n'est plus nécessaire pour expulser un squatter
CA Chambéry, 18 sept. 2007, SA Electricité de France EDF c/ Procureur général : Juris-Data n° 2007-343020
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Propriétaire d'un immeuble composé d'un rez-de-chaussée et de deux étages comprenant six appartements situé sur la commune d'Albertville, 86 route de tours, la SA Eléctricité de France EDF a constaté que des individus accompagnés de chiens s'étaient introduits illégalement dans ses locaux en commettant diverses dégradations constatées par procès-verbal de Maître Finance, Huissier de justice des 9 et 12 février 2007 et occupaient un appartement situé au dernier étage de l'immeuble dont ils avaient remplacé la porte d'entrée par une porte de placard et qu'ils avaient verrouillée en apposant un panneau « chantier interdit au public ».
Autorisé par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de grande instance d'Albertville en date du 20 février 2007 à pénétrer dans les locaux pour relever l'identité des occupants, Maître Finance, Huissier de justice dressait un procès-verbal de difficultés le 18 avril 2007 précisant qu'après s'être rendu à une dizaine de reprises à des heures différentes de la journée dans l'immeuble, il n'avait pu rencontrer les occupants de l'immeuble.
C'est dans ces conditions que la SA Electricité de France EDF a sollicité du Président du Tribunal d'instance qu'il ordonne l'expulsion de ces occupants sans droit, ni titre ce qu'a refusé le juge en indiquant qu'aucun élément de nature à identifier les occupants n'était produit aux débats.
Or il résulte du procès-verbal de difficultés de Maître Finance que ce dernier a accompli de nombreuses diligences y compris avec le concours de la force publique mais n'a pu rencontrer les occupants de l'immeuble.
La SA Electricité de France EDF justifie avoir effectué les démarches nécessaires pour pouvoir rechercher l'identité des occupants et tenter une procédure contradictoire.
Faute de pouvoir identifier les occupants sans droit ni titre, elle est bien fondée à utiliser la procédure d'ordonnance sur requête prévue à l'article 493 du Nouveau code de procédure civile , le débat contradictoire étant différé dans la mesure où s'il est fait droit à la requête toutepersonne intéressée dispose du droit d'en référer au juge qui a rendu la décision, provoquant ainsi un débat contradictoire.
Il convient d'ailleurs de souligner d'une part que l'article 61 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit que l'assignation en expulsion et le commandement de quitter les lieux lorsqu'il s'agit de personnes non dénommées peut être remis au parquet à toutes fins et que d'autre part l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale facilite la procédure d'expulsion des personnes qui s'introduisent et se maintiennent dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte et ce sans recours au juge.
Pour l'ensemble des raisons exposées ci-dessus, il convient d'ordonner l'expulsion de tous les occupants sans droit ni titre de l'immeuble sis 86 route de Tours à Albertville, opérations d'expulsion qui seraient confiées à Maître Finance conformément aux dispositions législatives. Eu égard au comportement des squatteurs relaté par les voisins victimes de jets de pierre, de violences verbales et de menaces, le délai de deux mois qui suit le commandement d'avoir à libérer les lieux prévu à l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 pour pouvoir procéder à l'expulsion sera supprimé. L'interdiction d'expulsion du 1er novembre au 15 mars de l'année suivante n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'occupants entrés dans l'immeuble par voie de fait conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 613-3 du Code de la construction et de l'habitation . Le sort des biens laissés sur place est réglé par les dispositions des articles 65 et suivants de la loi du 9 juillet 1991.
L'huissier mandaté pour procéder aux opérations d'expulsion sera cependant autorisé à solliciter les services de la Société Protectrice des Animaux ou tout organisme de mise en fourrière éventuelle des animaux présents.
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Note :
Cet arrêt est intéressant car il est l'occasion pour la Cour d'appel d'évoquer la toute nouvelle loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable qui instaure une procédure accélérée en matière d'expulsion de squatters. Ce n'est pourtant pas par le biais de cette nouvelle procédure, non encore applicable à l'époque des faits, mais en respectant la procédure classique que le propriétaire d'un immeuble en partie occupé par des squats, avait demandé leur expulsion. Une procédure qui s'apparente un peu à un parcours du combattant. D'abord parce que l'expulsion des squatters était subordonnée jusqu'à la loi nouvelle, comme pour un locataire devenu occupant sans droit ni titre, à l'obtention d'un jugement d'expulsion. Mais surtout parce que pour assigner en justice ces personnes, il faut commencer par les identifier. Or, cette identification suppose déjà une requête aux fins de constat adressée au juge d'instance, qui va autoriser un huissier assisté d'un commissaire de police à se présenter sur place pour constater l'identité des occupants. Si cette identification est possible, l'expulsion peut intervenir ensuite relativement vite puisque les squatters peuvent se voir supprimer le délai de deux mois prévu par la loi pour quitter les lieux (cf. L. n° 91-650, 9 juill. 1991, art. 62 ) et qu'ils ne bénéficient pas de la trêve hivernale. Mais quid si l'identification est impossible ? Faute de pouvoir assigner en référé, le propriétaire avait demandé par requête au juge d'autoriser l'expulsion. Refusée en première instance, cette demande est acceptée en appel. Pour justifier le recours à l'ordonnance sur requête, la Cour d'appel s'appuie sur l'article 61 de la loi du 9 juillet 1991, qui envisage la possibilité d'expulser des personnes non dénommées, via le Parquet, qui était partie jointe en l'espèce. Elle s'appuie surtout sur la nouvelle loi précitée de 2007 qui, précisément, pour mettre fin aux difficultés dont témoigne cet arrêt, permet maintenant d'expulser sans recours au juge, sans titre exécutoire, les personnes qui se sont introduites dans le domicile d'autrui « à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte » ( L. n° 2007-290, 5 mars 2007, art. 38 ). Il suffira dorénavant au propriétaire de demander au Préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire, dans le domicile d'autrui.
Mots clés : Bail de droit commun. - Expulsion. - Procédure en expulsion. - Squatter
Textes : L. n° 91-650, 9 juill. 1991, art. 61 et L. n° 2007-290, 5 mars 2007, art. 38
Encyclopédies : Bail à loyer, Fasc. 295 ou Civil Code, Art. 1708 à 1762, Fasc. 295 ou Notarial Répertoire ou Répertoire pratique droit privé, V° Bail à loyer, Fasc. 295 par B. Vial-Pedroletti
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